La valeur totale du commerce de passage devrait atteindre 85 milliards de dollars d’ici 2020. Avec l’attrait des magasins hors taxes (duty free) et plus d’un milliard de personnes voyageant dans le monde entier, des marques internationales telles que L’Oréal ont judicieusement surnommé cette économie florissante « le sixième continent ».
Brendan O’Regan a ouvert le premier magasin hors taxes du monde en 1947 à l’aéroport de Shannon en Irlande. Pensé pour le consommateur, le magasin ciblait les passagers dont les vols faisaient des escales de ravitaillement entre l’Europe et le continent américain.
Les boutiques duty free, exemptées de taxes et impôts nationaux, sont conçues pour vendre des produits aux voyageurs qui exporteront ces marchandises. Naturellement, l’idée a été un succès et de nombreux points de vente ont vu le jour en Europe, en Amérique du Nord et à Hong Kong dans les années 1960.
Cette période a été tout particulièrement marquée par Duty Free Shoppers (DFS), actuellement co-détenu par LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy) et Robert Miller, le co-fondateur original de DFS.
Le commerce de passage a parcouru un long chemin depuis ses débuts modestes. Il représente désormais une partie importante du secteur de la vente au détail, proposant produits électroniques, articles de luxe, souvenirs et autres objets divers dans les aéroports internationaux et les navires de croisière.
Les aéroports internationaux sont désormais considérés comme des destinations de shopping à part entière. La conception même des points de vente a évolué pour s’axer davantage sur le luxe que par le passé.
Possibilités d’engagement
Le nombre de touristes chinois au Royaume-Uni en 2015 a augmenté de 45 % et leurs dépenses ont augmenté de 18 %. Ces chiffres impressionnants ont amené les détaillants à développer des stratégies propres à l’environnement du commerce de passage pour attirer l’attention des voyageurs internationaux.
Les grandes enseignes de l’aéroport de Heathrow utilisent les données de vol de l’aéroport afin de mieux se préparer à l’arrivée des voyageurs. En prévoyant la nationalité des clients qui passent devant leurs magasins, les marques sont en mesure d’ajuster leurs écrans numériques et leur stratégie de vente pour s’adapter à la langue de ces acheteurs potentiels.
Les détaillants profitent de plus en plus du laps de temps entre le passage des dispositifs de sécurité par les voyageurs et leur embarquement, aussi connu sous le nom « d’heure d’or », ils peuvent ainsi attirer l’attention des clients, nouveaux et anciens, et leur fournir une expérience de consommation unique.
Les aéroports de Shanghai et de Macao disposent d’écrans publicitaires géants LED ultramodernes (jusqu’à 37m² dans certains cas) ou « murs publicitaires numériques ». Ces écrans numériques sont placés stratégiquement afin d’attirer l’attention de tous les passagers du terminal. Les détaillants peuvent également mettre à jour leur contenu fréquemment pour augmenter l’exposition de leur marque.
Ils sont en mesure de sensibiliser les clients des marchés nouveaux et émergents de manière plus personnalisée que les espaces commerciaux traditionnels ou les plates-formes d’e-commerce localisées.
Ces espaces hautement organisés sont développés non seulement pour augmenter les ventes, mais aussi pour offrir aux clients une expérience de vente inégalable : personal shopper et personnel multilingue à disposition ne sont que quelques-unes des mesures que les détaillants prennent pour attirer l’attention de leurs clients et augmenter leurs ventes.
L’expérience de la vente de produits de luxe
Il semble que le shopping fasse partie intégrante de l’expérience de voyage pour les clients des marchés émergents, notamment la Chine et la Russie qui dépensent davantage en produits de luxe que les touristes entrants dans leur pays.
En 2015, les dépenses chinoises au cours des voyages à l’étranger ont progressé de 53 % et, en Corée du Sud, les ventes hors taxes ont augmenté de 33 % pour atteindre 10,5 milliards de dollars en 2016.
Les marques de luxe considèrent maintenant le commerce de passage comme une étape importante de leur stratégie commerciale. Elles ont fait d’importants investissements afin de s’assurer une place de choix dans les aéroports, de façon à tirer profit du pouvoir d’achat des voyageurs internationaux.
On peut trouver des marques telles que Louis Vuitton, Gucci, Chanel, Cartier et Prada dans les aéroports internationaux les plus lucratifs du monde des villes de Séoul, Dubaï, Singapour, Londres et Hong Kong.
Basé à Hong Kong, DFS est l’un des plus grands détaillants aux voyageurs au monde. Il possède des magasins dans plus de 17 grands aéroports, en plus de ses 18 grands magasins T Galleria situés en centre-ville. En tant que filiale de LVMH depuis 1996, DFS est connu comme le « leader mondial de la vente de produits de luxe aux voyageurs internationaux », commercialisant une multitude de marques haut de gamme incluant Bulgari, Dior, Givenchy, Fendi et Marc Jacobs.
DFS a diversifié son portefeuille de marques et propose désormais des produits de beauté, des accessoires, du vin, des spiritueux et même un programme de fidélité à plusieurs niveaux.
Berceau de la compagnie Emirates, l’aéroport international de Dubaï est l’un des aéroports les plus fréquentés au monde. Son troisième terminal possède une foule de marques de mode pour répondre aux demandes du consommateur de luxe et dispose même d’un marché de l’or (« Gold Souk ») traditionnel. Il accueille régulièrement des tirages au sort de luxe post-Ramadan avec, par exemple, des voitures de sport comme premiers prix.
Les biens de consommation ne sont pas les seuls à contribuer au revenu du commerce de passage. Les aéroports fournissent également des services haut de gamme et de luxe afin d’aider les passagers à passer le temps avant leur embarquement.
L’aéroport international de Hamad, au Qatar, offre la possibilité aux voyageurs de prendre leur temps et de se détendre avant leur vol en utilisant ses équipements sportifs, notamment une piscine de 25 mètres. Pour 35 €, vous pouvez également utiliser les baignoires d’hydrothérapie construites à cet effet par l’aéroport.
L’aéroport Changi de Singapour, d’autre part, offre une expérience plus botanique, avec un jardin de tournesols et de nénuphars ainsi qu’un cinéma et une piscine sur le toit.
Les produits de beauté prennent les commandes
Les articles les plus vendus dans les magasins de commerce de passage sont les produits de beauté. Ils représentaient 30 % des ventes en 2014.
Ces produits peuvent essentiellement être commercialisés comme des produits format voyage en raison de leur taille. Les marques ont été en mesure d’adapter leurs produits de tous les jours au voyage.
La création de catégories de voyage est à présent monnaie courante pour de nombreux détaillants de beauté. Ces catégories, parfois peu développées mais pouvant rapporter gros, se focalisent sur des gammes de produits au format voyage ou « mini produits », où les clients peuvent acheter des versions plus petites des produits classiques. Il s’agit également d’une occasion rêvée pour les marques de cosmétiques de vendre des produits exclusifs aux voyageurs, en leur proposant des kits de voyage conçus uniquement pour être vendus dans les aéroports.
En partenariat avec DFS, Sephora a ouvert, entre août et octobre 2015, une boutique éphémère à l’aéroport de Dubaï. La marque de cosmétiques française détenue par LVMH offrait des produits exclusifs disponibles uniquement à ceux voyageant depuis l’aéroport.
Sephora a également pris le terme « libre-service » au pied de la lettre et a mis en place des distributeurs automatiques dans 7 aéroports américains, proposant jusqu’à 50 produits.
Les espaces de vente hors taxes permettent aux entreprises ayant d’importants portefeuilles de marques de se diversifier et de toucher un public plus large. Leur positionnement commercial unique leur permet de promouvoir et tester des marques et des produits qui ne sont peut-être pas encore disponibles dans les magasins locaux.
En 2013, L’Oréal a créé sa propre division de commerce de passage afin de gérer son portefeuille de marques. Une « stratégie d’universalisation » a été mise en place pour répondre aux besoins de beauté des voyageurs, hommes ou femmes.
Il s’en est suivi un développement stratégique des concessions et des magasins autonomes de marque L’Oréal, qui est notamment passé par la relance des cosmétiques Yves Saint Laurent en Chine, et, plus récemment, le lancement de la gamme de produits cosmétiques Giorgio Armani dans 15 magasins clés de commerce de passage en Amérique du Nord et du Sud.
Il est clair que le facteur de réussite dans l’industrie du commerce de passage est l’analyse du comportement des clients et la commercialisation des bons produits avec une expérience client inégalée.
L’augmentation de la connectivité des aéroports pourrait permettre aux technologies mobiles et aux smartphones d’être un moteur de croissance.
En effet, les données de localisation peuvent être utilisées par les marques pour diffuser des publicités plus ciblées aux voyageurs via Google, Facebook et Instagram. Les appareils à écran tactile présentant un contenu amélioré peuvent également enrichir l’expérience en magasin.
De plus en plus de personnes voyagent chaque année (plus de 9 milliards de passagers d’ici 2025), il est donc impératif que les détaillants positionnés dans les aéroports internationaux continuent de s’adapter afin de fournir des expériences exceptionnelles et des produits adaptés aux clients voyageurs.