Traduction et propriété intellectuelle : votre marque est-elle protégée ?

Traduction et propriété intellectuelle : votre marque est-elle protégée ?


Selon l’INSEE, au sens de la propriété industrielle, la marque est « un signe permettant de distinguer précisément les produits ou prestations de services d’une entreprise de ceux de ses concurrents ». Les demandes d’enregistrement de marque relatives aux logos, symboles, graphismes et autres aspects visuels qui composent l’image de marque de votre entreprise peuvent paraître évidentes. Toutefois, la traduction d’expressions liées à un nom de marque dans d’autres langues peut poser davantage de problèmes.

L’entreprise britannique « Golden Balls » en est le parfait exemple. Gus Bodur et sa femme Inez sont propriétaires de ce nom de marque depuis la création en 2001 de leur société de vêtements de sport. En 2007, la société de production Endemol commence à diffuser un jeu télévisé sur la chaîne anglaise ITV1 appelé « Golden Balls », et présenté par Jasper Carrott. Puisque le nom de l’émission est identique au nom de marque déposé et appartenant aux Bodur, Endemol accepte un accord de licence avec les propriétaires du magasin de vêtements de sport pour l’utilisation du nom dans son émission.

Peu de temps après, Endemol est contacté par les organisateurs du FIFA Ballon d’Or, une récompense attribuée chaque année au meilleur joueur de football. Selon eux, l’expression « Ballon d’Or » est l’équivalent français de « ball of Gold » ou encore de « golden ball », expressions très similaires aux noms de l’émission et de l’entreprise de vêtements de sport. Endemol décide alors de mettre un terme à l’émission de télévision, tandis que la société organisatrice du FIFA Ballon d’Or Intra-presse accuse les Bodur de violation des droits de marque, et entame des poursuites judiciaires.

Après avoir dépensé plus de 100 000 livres sterling en frais de justice, les Bodur remportent le procès en 2010 au Tribunal de l’Union Européenne. Néanmoins, lors d’une procédure d’appel, l’OHMI (Office de l’Harmonisation dans le Marché Intérieur), agence de l’UE chargée de gérer les systèmes d’enregistrement des marques et des dessins ou modèles dans les Etats-membres, accorde aux organisateurs du Ballon d’Or les droits de marque pour « Golden Balls » dans un certain nombre de secteurs en Europe, y compris celui de la télévision.

Au vu de la décision, les Bodur ont décidé de faire appel auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne. « Nous n’allions pas nous arrêter là et nous faire intimider juste parce qu’ils ont plus d’argent que nous », a affirmé Mme Bodur.

« Si nous remportons ce procès, je souhaite que les lois soient modifiées, afin que des petits commerces malmenés par des grands groupes puissent obtenir une assistance juridique », a-t-elle déclaré.

Finalement, le procès a été financé grâce à l’argent acquis suite à l’accord de licence avec Endemol. « La prochaine étape sera d’obtenir une prise en charge de nos frais de justice ainsi que des dommages et intérêts pour les pertes commerciales subies et ce que notre famille a dû endurer ces six dernières années » a indiqué Mme Bodur.

Malheureusement, il ne s’agit pas d’un cas isolé. En 2010 en Afrique du Sud, Jordan Winery, qui utilisait le mot « chameleon » (caméléon en français) accompagné d’un portrait du reptile sur ses bouteilles de vins primées depuis 1993, a fait appel aux tribunaux pour empêcher à un concurrent, Lovane, de porter atteinte à la marque déposée « chameleon ».

Lovane est une forme dérivée du mot xhosa « uluvane », qui signifie caméléon. En dehors du fait que le lien linguistique soit vague, Lovane met également en avant des illustrations de caméléons sur ses produits.

A ce propos, le tribunal saisi a fait remarquer que seuls les locuteurs xhosa, qui constituent une part relativement faible de la population totale du pays, étaient capables d’établir un lien entre les deux marques, et que même ces personnes étaient peu susceptibles de faire le rapprochement entre les mots en l’absence d’une image de caméléon à côté du mot « Lovane ».

Le tribunal a ensuite indiqué que Lovane avait en tout état de cause accepté de retirer de ses produits le dessin de caméléon, concluant ainsi qu’il n’y avait vraisemblablement aucune confusion possible entre les mots « Chameleon » et « Lovane ».

Toutefois, comme pour le cas « Golden Balls », cette décision laisse encore de nombreuses questions sans réponses. La traduction en afrikaans du mot caméléon « Verkleurmannetjie » aurait-elle été tolérée dans ce cas ? La décision aurait-elle été différente si la traduction directe en xhosa « uluvane » avait été choisie par le producteur de vin au lieu de « Lovane » ? Enfin, qu’en est-il des millions de marques et de leurs concurrents potentiels présents dans des zones géographiques différentes, qui pourraient avoir adopté un nom de marque similaire dans leur langue locale ?

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